Par où commercer...Difficile
Jeudi matin, 7h pétantes, Franck Hivert est devant ma porte pour me récupérer avec mes affaires. Il y a déjà Rafion Balahachi installé dans la voiture. Je l'ai déjà croisé sur plusieurs ultras, c'est un boulimique, il les enchaîne, jusqu'à 10 par an. Je suis vraiment une petite joueuse. Nous récupérons Frédéric Goumard à Villenave d'Ornon, avec qui j'ai partagé d'autres ultras également et surtout un morceau de la Transpyrénéa. Nous arrivons sur place vers midi et récupérons notre dossard. Au passage, je rachète de nouvelles lunettes de soleil, les mêmes que celles perdues 15 jours plutôt sur un entraînement à Bouliac. Il nous manque Martine, l'épouse de Franck, qui était à l'origine de notre inscription d'ailleurs. La pauvre s'est vue refuser les deux jours de congés dont elle avait besoin au dernier moment. Et cela fait des mois qu'elle s'entraîne en montagne avec Franck pour cet objectif. Sur place, nous retrouvons aussi Benoit, que j'avais croisé sur la Transpyrénéa où il avait été bénévole. Transpy dont l'édition est malheureusement annulée pour cause de trois mécontents sur la première édition, qui n'ont pas trouvé mieux que d'attaquer en justice l'organisation, tout ça parce qu'ils ont abandonné trop vite et qu'ils voulaient être remboursés! Enfin, espérons que les suites seront favorables à l'organisateur, car c'est une aventure que je voudrais revivre et je devais y être bénévole cet été. Sur la route nous traversons le village de Merens les Vals, 1ère base de vie, je ne peux m'empêcher de prendre une photo :
Arrivés sur place nous retirons nos dossards et prenons nos quartiers au camping, il faut bien préparer ses affaires de courses et vérifier que tout le matériel obligatoire est dans le sac, faire aussi les deux sacs de base de vie et les apporter à l'organisation. Nous assistons au briefing, l'organisateur nous donne quelques conseils de prudence, on rit beaucoup, mais ça rira moins demain! Nous repartons au camping, repas frugal et dodo.
Extinction des feux vers 22h, je prends connaissance des derniers sms d'encouragements et découvre la photo de mes élèves de maternelle avec quelques parents, ça fait chaud au coeur.
Le lendemain matin, vers 6h15, départ du camping vers la place du village d'Ordino, là où tout se vit pendant 5 jours. En effet, les coureurs de l'Euforia sont dans les montagnes depuis mercredi matin. Ils ont 233km et 20000D+ à faire.
7h, les fauves sont lâchés, et très vite le rythme course à pied se transforme en marche rapide. Il y a 3 bosses à passer pour monter à plus de 2600 m, soit 1300 m de D+ en moins de 15 km, entrecoupées de deux petites descentes. Très vite je dois remettre en place mes lacets. Arrivée à 2500m, je sors mon téléphone pour faire une petite vidéo en direct, comme promis pour les élèves de CM1.
Je sais déjà que la journée va être très difficile, les pentes sont très raides à monter, de véritables murs verticaux. On entame la descente et là très vite, j'ai mal aux deux gros orteils, ils tapent au fond de la chaussure, malgré les pansements préventifs que j'ai fait pour amortir les chocs. ça commence mal cette affaire.
Par ailleurs, j'espérais suivre un peu Francky, mais il m'a vite lâchée, forcément quand on s'arrête deux fois pour refaire ses lacets, le train n'attend pas.
Ce qui m'impressionne est le silence du peloton, nous sommes près de 400 partants et le silence est d'or. Habituellement, c'est l'effervescence et ça tchatche dans tous les sens sur les premiers km. Là, rien, tout le monde est déjà hyper concentré dès les premiers km...Est-ce un signe de la difficulté du chantier qui nous attend? Habituellement, les espagnols sont très prolixes!
Arrive enfin le ravito, au 20è km, je suis à 4h30 de course, c'est lent, mais ça va pas mal quand même, je pose mon sac à dos et je fais une bonne pause pour bien manger, habituellement, je ne m'arrête pas longtemps sur les premiers ravitos, mais j'ai compris que ça allait être une sacrée affaire et que pour avancer longtemps, il allait falloir pauser longtemps. Me voilà repartie à l'assaut de la prochaine bosse : Le Portella Rialp, 700m de D+, le prochain ravito est à 12 km, j'espère y être en 3h environ. Plus j'avance, plus je ressens la difficulté des montées, mon manque d'entraînement en montagne est évident, je compte sur l'adaptation progressive de mon corps. Il nous faut rejoindre Arcalis, au Portella Rialp, il est en vue. La descente est un peu roulante, mais mes pieds tapent encore au fond de la chaussure, je dois ralentir et jongler entre marche rapide et course pour préserver mes ongles. Je me fais souvent dépasser !! Arcalis ne se rapproche que très lentement, je regarde ma montre, car je veux y être avant 15h30, j'ai promis un deuxième rdv vidéo. 15h17, m'y voilà enfin, il y a de quoi s'asseoir et un ravito bien fourni. Je fais ma vidéo, et déjà j'annonce que ça va être très compliqué pour mes pieds.
Arcalis en vue, en haut des lacets.
Arcalis en vue, en haut des lacets.
Peu de temps après, arrivent Benoit et Frédéric. Je comprends qu'il vaut mieux que j'avance avec eux, plutôt que d'avancer seule, vu que personne ne parle. Au moins avec eux, le temps passera plus vite, je me fatiguerai moins nerveusement, on pourra parler et plaisanter. Au passage, je croise Franck Bourcier, qui avait lui aussi fini la Tranpyrénée en 2016. Il n'est pas non plus au mieux de sa forme et manque d'entraînement. Ma pause durera une bonne demi-heure, je suis requinquée et nous repartons à trois. J'ai un bon rythme, mais très vite arrive un mur vertical de caillasse : il faut à nouveau s'avaler 700 m de D+. Tant bien que mal, je m'en sors pas trop mal, et au col, nous profitons de la présence d'un canadien pour nous prendre en photo.
Le mur en face, on voit les lacets, c'est comme ça tout le temps, ou à peu près!
Descente après une seconde bosse
Une longue descente s'enchaîne, j'amortis bien tout en essayant de courir un peu, j'ai le sentiment que les pieds vont mieux. Puis à nouveau une longue montée pour rejoindre des crêtes et le clot cavall. La descente est pentue, et je sens à nouveau mes ongles, il nous faut reprendre un sentier en faut plat montant sur 3 km, avant de rejoindre le refuge du pla d'Estagny, l'allure est facile mais je cogite dans ma tête, car j'ai le sentiment que mes pansements préventifs se baladent un peu et qu'ils nécessitent un arrêt chez le podologue. Que fais-je? Je m'arrête, je refais des pansements? Je continue? Je sais qu'un énorme mur vertical m'attend pour monter au coma Pedrosa, 900m D+ en 3 km, une descente tout aussi pentue, puis au km 67, la descente infernale vers la Margineda, soit 5 km et 1500 de D-, un truc qui va bien m'exploser les pieds. Je décide de ne pas jouer avec eux, et de voir les secours. Bingo, les ongles sont bien attaqués, il y a des ampoules dessous, au niveau de la racine, l'un est peut-être infecté me dit-on. Quoi, déjà? Je demande s'il est possible si je m'arrête là de me rapatrier sur Ordino. On me dit que oui, mais on me propose aussi de continuer, sans percer les ampoules parce que je vais avoir très mal, en me faisant des pansements nouveaux pour m'aider à continuer...Bref, des pansements encore "préventifs" qui n'ont servis à rien depuis le début de la course et qui vont encore aggraver la situation. Sachant ce qui m'attend comme descente derrière, et que de toute façon arrivée à la Margineda j'aurais les pieds dans un tel état qu'il faudra que je m'arrête, je décide finalement de stopper les frais ici. Il vaut mieux préserver un minimum sa santé. Je suis déçue, mais j'accepte ma décision, je n'arrête pas parce que c'est trop difficile et que j'ai du mal à avancer, mais parce que mes deux orteils sont en grande souffrance et qu'il faut arrêter le massacre. De toute façons, je n'étais pas très en forme par manque de préparation. J'attends un bon moment ici que l'on me donne le feu vert pour redescendre vers un village pour attraper une navette, nous serons finalement deux à repartir, il y a quand même une heure de marche à faire avant de retrouver une route. Je recroise Franck Bourcier, à la peine décidément, il ira jusqu'à la Margineda et s'arrêtera là.
La nuit arrive, nous attendons la navette une bonne heure, mais quel plaisir d'être au chaud. J'arriverai vers 23h au camping, une bonne douche et dodo.
Le lendemain, bien évidemment, il s'agit de savoir où sont les copains, s'ils sont toujours en course.
Avec l'amie de Benoit, on petit déjeune et dans la matinée, on le voit revenir au campement, tout penaud, déçu forcément. Le reste de la journée se passera à tuer le temps, à faire le suivi des copains sur notre téléphone, déjeuner au restaurant du camping, faire la sieste, jouer à trouver de l'ombre car les tentes sont en plein soleil. Vers 17h, ça se couvre de plus en plus, on entend gronder l'orage au loin, ce n'est pas pour nous, et on ne sait pas comment c'est plus haut. Puis ça se tasse un peu, nous faisons un dîner frugal avec le repas lyophilisé qu'il me reste, un peu de chocolat et au lit, je m'occupe avec mon portable quand j'entends une voix familière : c'est Frédéric qui est de retour, rapatrié par l'organisation. On avait appris dans la soirée que la course était neutralisée à certains endroits en raison de l'orage. Entre temps, nous avons suivi l'avancée de Franck, Martine n'a pu s'empêcher de prendre la voiture pour venir retrouver son homme, elle l'attend au Pas de la case, c'est une surprise, il n'est pas au courant. Il y arrive vers 21h, apparemment la course est aussi neutralisée un temps, mais il pourra repartir. De son côté, Fred bougonne un peu, il ne trouve pas normal que certains puissent continuer et pas d'autres. En même temps, il était assez loin du Pas de la case et proche des barrières horaires, ce qui n'est pas le cas de Francky qui conserve encore une bonne avance sur la BH de Pas de la case. Il en repartira vers 23h. Le lendemain matin, première inquiétude, Franck est-il toujours en course? Nous apprenons très vite qu'il a lâché l'affaire à Inclès, vers 5h du matin, à 25 km de l'arrivée, très fatigué. Lorsqu'il arrive au camping, il n'a pas bonne mine, mais quoi de plus normal. Cela fait 48h qu'il n'a quasiment pas dormi. Après une bonne douche, et rangement du campement, nous partons direction un restaurant avec buffet à volonté, certains en ont bien besoin. Evidemment, une bonne bière s'impose...avec une clope!
Puis retour à Bordeaux pour tout le monde, détour par un tabac pour acheter une cartouche de cigarettes (ça vaut vraiment le coup)! Je suis reposée, heureusement, car d'autres écrasent dans la voiture :
Sur les 5 coureurs que nous étions, il n'y aura qu'un seul finisher, Rafion, qui était sur la Mitic (112 km et 9700 de D+), il termine à une superbe 35è place. Sur la Ronda, seuls 85 sur les 400 rallieront l'arrivée. De mon côté, au vu des orages et de la neutralisation de course, pas de regrets, pour finir, il aurait fallut que je puisse suivre Francky.
Les photos étant difficiles à télécharger en Andorre (incompréhension), je ne découvrirais celles envoyées envoyées vendredi par les collègues, ainsi que la vidéo qu'en rentrant...de quoi me donner quelques regrets.
Il me faut maintenant rebondir! J'en suis à 5 jours sans sport, il va donc falloir reprendre le chemin de la course à pied et du vélo dès aujourd'hui!
Ensuite, il va me falloir quelques compétitions à me mettre sous les pieds, peut-être déjà ce samedi avec le trail de Bourg sur Gironde.
Et si j'arrive à bien m'entraîner et que mes gros orteils se sentent bien....pourquoi pas le 24h de Villenave le weekend juste avant la rentrée scolaire?! Cela fait un moment que j'aimerais tester ce format, ce serait une belle revanche sur l'Andorra ultra trail...je n'ai peut-être pas dit mon dernier mot sur celui-ci....mais comme ça risque encore de tomber sur des jours d'école, j'ai une bonne excuse pour ne pas retenter de si tôt. Et puis, il y a d'abord un problème technique à résoudre : quelle chaussure pour faire ça sans s'exploser les pieds?